Que perdons-nous lorsque les psychédéliques sont transformés en médicaments ? [PARTIE II]

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Comment améliorer l'accès aux substances psychédéliques ?
Le processus d'élaboration d'une loi post-drogue suscite des tensions. Développer l'usage des psychédéliques en facilitant leur accès pourrait accroître les risques pour les individus et déclencher de nouvelles réactions juridiques. Alors que différents États continuent de proposer de nouveaux projets de loi, il n'existe pas de plan d'action clair.
Chaque approche explore différentes manières d'équilibrer les bénéfices et les risques.

L'une des approches les plus populaires est le modèle de "consommation par les adultes", introduit pour la première fois dans l'Oregon et qui devrait entrer en vigueur au début de 2023. Tout adulte (à l'exception de certaines catégories) peut s'inscrire à une séance de service psychédélique qui a lieu uniquement dans un centre de service approuvé par l'Oregon Health Authority et supervisé par des facilitateurs spécialement formés qui ont suivi l'un des programmes de formation validés par l'Oregon Psilocybin Services OHA.

En éliminant la nécessité d'un diagnostic médical ou d'une recommandation, le modèle d'utilisation des psychédéliques par les adultes augmente l'accès à ces substances. Cependant, l'exigence que le voyage ait lieu dans un établissement approuvé par le gouvernement, sous la supervision d'un intermédiaire avec lequel l'individu peut avoir peu de relations, et sans l'implication d'autres personnes, peut entrer en conflit avec une variété d'
environnements sociaux et naturels. Les méthodes immersives d'utilisation des psychédéliques sont utilisées par les cultures indigènes depuis des générations.

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L'État du Colorado a récemment franchi une étape supplémentaire en incluant une composante de décriminalisation dans la législation sur la consommation de drogues par les adultes. Cela permet aux citoyens de posséder, de cultiver et d'échanger des substances psychédéliques pour leur usage personnel, sous la forme qu'ils jugent appropriée. Cependant, les chercheurs et les praticiens des psychédéliques ne sont pas favorables à un tel accès non réglementé. Ils s'inquiètent des risques liés à l'utilisation de psychédéliques dans un environnement non contrôlé et craignent que la dépénalisation n'entrave la recherche clinique rigoureuse ou n'entraîne une augmentation de l'offre de drogues sur le marché noir en raison de l'absence de limites sur la quantité de psychédéliques pouvant être cultivés pour un usage personnel.

Outre les questions du "où" et du "comment", il y a aussi la question du "quand". Comme
l'a expliquéRick Doblin, directeur de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies (MAPS) ,au magazine GQ en 2021,"la médicalisation précède la légalisation". La question se pose toutefois de savoir combien de temps cela prendra.

Deux points de vue s'opposent ici sur la médicalisation. Un camp (dont fait partie Doblin) estime que la médicalisation est nécessaire pour accroître l'acceptation des psychédéliques par le public, à mesure que les preuves de leurs bienfaits médicaux se multiplient. D'autres, en revanche, pensent que la médicalisation ralentira le processus de légalisation.

Clark estime qu'il est important d'élaborer des politiques réglementaires solides, mais elle ne pense pas que
lamédicalisation soit la meilleure approche à l'heure actuelle. Selon elle, la possession de psychédéliques uniquement dans un cadre médical pourrait exacerber le problème de la diversité. Elle s'interroge: "Comment peut-on discuter de l'histoire des Noirs ou des indigènes avec l'establishment médical ? Qui peut dialoguer sur le fait que la médecine et la thérapie sont les seules voies sûres et correctes ?

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Le capitalisme psychédélique suscite quelques inquiétudes . Le fait de donner un accès précoce aux psychédéliques aux sociétés pharmaceutiques, aux chercheurs médicaux et aux investisseurs opportunistes transformera l'industrie des psychédéliques, y compris les substances elles-mêmes, bien avant qu'ellesne soient disponibles pour le grand public. Le principal danger est que le désir de profit du capitalisme n'encourage pas nécessairement la recherche, la mise en œuvre et les mesures de réduction des risques pour garantir une réintroduction harmonieuse et équitable.

Schwartz-Plaschg affirme que l'ajout d'aspects non biomédicaux (par exemple, la décriminalisation) peut contribuer à maximiser les avantages. "Plus l'éventail des services psychédéliques et de leur utilisation légale est large dans la société, plus les gens seront en mesure de profiter de leur propre bien-être, ce qui contribue en fin de compte à la prospérité de la société à long terme.

Toutefois, la transition de la
légalisation du cannabis biomédical à celle du cannabis récréatif peut être stressante et requiert de la prudence. Les entreprises qui traitent cette substance, légalisée au niveau des États mais interdite au niveau fédéral, doivent faire face à des coûts supplémentaires (par exemple, elles ne peuvent pas déduire les dépenses commerciales de leurs impôts fédéraux et doivent relever le défi de trouver des assureurs) . Le succès dans ce secteur est plus souvent le fait de grandes entreprises qui disposent des ressources financières nécessaires pour investir. " Pour aller vite, il faut aller lentement ", a fait remarquer M. Clark. "Cette leçon peut être tirée de l'expérience du cannabis, et avec les psychédéliques, il est particulièrement important de prendre son temps au début. Ce sont les étapes initiales qui sont essentielles en raison des divers défis importants qu'il faut relever".

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Le moment que nous vivons aujourd'hui est l'occasion d'une large représentation et participation de toutes les parties prenantes, tant dans le domaine des drogues psychédéliques que dans celui du développement de médicaments à base de plantes sacrées. La renaissance des psychédéliques est étroitement liée à l'héritage colonial, mais les mouvements de décolonisation de l'industrie peuvent contribuer à renforcer les principes d'équité et à intensifier le dialogue sur les différents modèles d'accès à ces remèdes.

Ces approches indigènes varient selon les cultures et les lieux, mais partagent généralement plusieurs thèmes communs. Tout d'abord, comme l'explique Clark, les psychédéliques ne sont pas considérés comme des substances que l'on "prend", comme l'aspirine ou un antidépresseur, mais comme des entités avec lesquelles on entre en relation
. "Il s'agit d'une relation profonde et sacrée basée sur la révérence et la parenté. Deuxièmement, de nombreux modèles indigènes n'ont pas pu être réalisés au cours d'un voyage solitaire dans un cabinet médical confortable, isolé de communautés de pratique plus larges.

Enfin, de nombreux modèles indigènes
ne reconnaissent pas la distinction entre le thérapeutique et le spirituel. La maladie et la relation existentielle d'une personne avec elle-même et le monde vont de pair. L' idée que le mécanisme thérapeutique puisse être dérivé d'un contexte spirituel est considérée comme une sorte de prétention occidentale.

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Prochaine étape du voyage
L'administration du président Biden s'attend à ce que la FDA approuve la MDMA et la psilocybine pour le traitement du syndrome de stress post-traumatique et de la dépression d'ici un ou deux ans. Cela pourrait inciter la DEA à réviser sa liste de drogues de l'annexe I, considérées comme n'ayant pas d'usage médical reconnu et présentant un fort potentiel d'abus. De l'avis de beaucoup, ce statut limite l'accès à ces substances et rend difficile la poursuite de la recherche et de l'utilisation.

De nombreuses restrictions et lois continueront probablement à régir l'accès aux substances psychédéliques, même après leur approbation
.Une étude, basée sur les tendances en matière de légalisation du cannabis, suggère que la plupart des États seront en mesure de légaliser les substances psychédéliques dans les 14 prochaines années. Cependant, il reste à voir quelles opportunités (et quels risques) les chercheurs pourront explorer avec ces changements ou s'ils n'étudieront qu'une gamme étroite d'utilisations potentielles de ces substances.

Comment faire progresser les efforts de légalisation pour accroître l'accès aux substances psychédéliques en dehors de la pratique médicale ? Il faut pour cela créer une variété de programmes et de contextes allant au-delà des essais cliniques standard ou des pratiques psychothérapeutiques approuvées par le gouvernement. Cela nécessite la participation de diverses populations, et pas seulement des quelques privilégiés qui peuvent s'offrir des services thérapeutiques coûteux.
Il faut également mettre en œuvre des programmes de réduction des risques, tout en maximisant les bénéfices.

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L'une des idées proposées est la légalisation des licences. Cela ressemble à l'obtention d'un permis de conduire, mais pour l'achat de psychédéliques. Une fois qu'une personne atteint un certain âge, elle aurait la possibilité de vivre une expérience psychédélique supervisée dans un établissement spécialisé, qui pourrait être comparée à un rituel d'initiation au cours duquel les principes de base sont appris. Cette expérience peut être comparée à un rituel d'initiation au cours duquel les principes de base sont appris. Il peut également y avoir une formation théorique pour acquérir des connaissances de base. Une fois la procédure achevée avec succès, la personne reçoit une licence qui lui permet d'acheter et de consommer des psychédéliques comme elle l'entend. Toutefois, en cas de violation des règles, le permis peut être révoqué, comme c'est le cas pour les contrevenants au code de la route.

Les partisans d'une légalisation réglementée n'ont pas encore de réponse à la question de savoir comment réduire les coûts d'approvisionnement, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles ils soutiennent la décriminalisation. Avec la décriminalisation, la culture personnelle devient plus accessible et moins chère.
L'expérience de la légalisation du cannabis montre que le commerce des substances de la catégorie I nécessite une conformité réglementaire et des charges fiscales, ce qui se traduit par des prix plus élevés.

La voie vers la légalisation sous licence n'est pas non plus sans poser de problèmes. L'abaissement des barrières peut accroître le risque de dommages, car les mesures de sécurité sont plus développées dans les environnements cliniques que dans les communautés non habituées aux drogues.
Les modèles commerciaux pour les psychédéliques impliquant une collaboration avec les communautés indigènes n'ont pas été établis.

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Ilexiste toutefois des expériences, comme le Reciprocity Trust de Journey Colab, qui allouent une partie de leur capital aux communautés indigènes et à d'autres parties prenantes. L'augmentation de la demande due à la généralisation de l'accès pourrait exercer une pression sur les écosystèmes où poussent les psychédéliques. Le développement d'alternatives synthétiques basées sur la science ouverte pourrait y contribuer, mais la question de leur efficacité par rapport à leurs équivalents naturels reste posée .

Chacun, quels que soient ses penchants ou ses angoisses, peut trouver dans les psychédéliques quelque chose de plus profond et de potentiellement utile. Alors que les perturbations de la vie quotidienne peuvent être facilement détectées en mesurant l'
activité électrique du cerveau, la question de la richesse de l'expérience ordinaire reste ouverte et rarement discutée.

Les psychédéliques permettent de s'intéresser à la construction de la conscience ordinaire, quel que soit le niveau de la personne sur l
'échelle des troubles mentaux. Cependant, les normes et les règles d'accès font partie d'un système plus large de conditions qui définissent l'expérience psychédélique. Il est à espérer que dans le monde post-prohibition des psychédéliques, en pleine expansion, nous ne nous limiterons pas à la recherche en laboratoire et aux aspects médicaux, et que nous pourrons profiter des visions étranges, fascinantes, parfois risquées et significatives offertes par une approche plus large des psychédéliques.
 
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